Jusqu'au pays des Tsaatans

Publié le par sophievoyage

 

Lundi 1er Août, je commence la matinée en allant faire les courses dans les petits magasins d'Hatgal pour les deux semaines de randonnée equestre qui m'attendent. Mon "guide" s'appelle Hishgee, il a 23 ans et me sert de chauffeur avec sa moto. Ici, pendant la saison touristique, tout le monde s'improvise guide pour gagner un peu d'argent donc par "guide" il faut comprendre: "un enfant du pays qui connait un peu la région et qui a dix mots d'anglais à son vocabulaire". De retour à la guest-house les chevaux sont là, sellés et prêts à partir. Il y a trois juments: une pour le guide, une pour moi, et la derniere pour porter les affaires ( sac à dos et bouffe). Il faut maintenant bâter le cheval, deux des chevaux ne se laissent pas faire du tout et envoient tout voler, le troisième accepte plus ou moins grace aux entraves cependant il a fallu l'aide de trois personnes...je me demande comment on va faire lorsque l'on sera que deux... Vers midi, on part; je me demande dans quoi je me suis embarquée, tous les touristes que j'ai croisés m'ont dit que j'étais folle de partir seule, 2 semaines, avec un guide qui ne parle pas anglais et que la rando était difficile. J'ai eu droit à "good luck, you're brave, nice to met you!". Est ce que deux semaines ce n'est pas trop long? Est ce que mon guide connait vraiment le chemin? J'ai milles inquitudes en tête. je me dis que si ça ne va pas je peux toujours faire demi-tour et rejoindre un groupe de francais qui part faire le même périple dans deux jours pour un prix plus elevé. Dans l'aprés midi, on rejoint un groupe et on campe avec eux le soir, il y a 4 français et un couple américo-mongol. Hisghee veut que l'on reste avec eux pour les jours qui viennent mais ils mettent beaucoup plus temps à faire le même itinéraire donc on continuera sans eux. Les trois premiers jours, on longe le lac, il est vraiment superbe: l'eau est d'une transparence absolue avec une belle couleur turquoise. il ne manque que les palmiers pour se croire dans une Ile! Tous les matins, j'ai la plus belle salle de bains du monde bien que température de l'eau soit fraiche!

Le matin du quatrième jour, c'est l'epreuve de vérité: on est que tous les deux pour bâter le cheval: trois fois elle envoie tout parterre, la suivante sera la bonne...je suis rassurée! on peut y arriver sans trois gars pour la tenir! Aujourd'hui, je suis complètement fourbue: j'ai super mal aux genoux et aux reins, à tel point que j'avale une petit anti-douleur pour pouvoir tenir en selle toute la journée. On tourne le dos au lac, direction l'ouest, pour traverser une chaine de montagne en suivant les vallées. Au début, le chemin est joli, il suit une petite vallée encaissée dans l'ombre des sapins puis, après avoir passé un petit col et traversé des marécages, on débouche sur une large vallée dont le lit de la rivière fait plusieurs dizaines de mètres de large. En cette période, il est quasiment asséché cependant, avec les hivers bien enneignés, au printemps la rivière occupe tout son lit! Le paysage devient un peu plus monotone, la journée passe lentement sous un soleil de plomb. On s'arrête vers 20 h, éreintés. Le lendemain, après seulement un petite heure de marche, on arrive au village de Renchinlkhumbe. On fait la pause de midi chez une famille que connait un peu Hishgee et après un petit ravitaillement, on se remet en route vers 16h. Maintenant, on trotte dans une immense plaine constellée de lacs et de bras de rivière. On ne les voit qu'au dernier moment car tous se cachent dans les dépressions du terrain. Avec le soleil couchant et les nuages accrochés aux montagnes environnantes, la lumière est fantastique. Chose extraordinaire, au beau milieu de ce paysage verdoyant, se trouve une dune de sable! Pas besoin d'aller dans le Gobi!! Du fait de son réseau hydrique, cette steppe est un vrai labyrinthe, et il vaut suivre le chemin sous peine de se retrouver coincer par une rivière infranchissable. Du coup, il y a des bacs faits de quatres rondins de bois et tractés à la main le long d'un cable en acier. Les chevaux me surprennent: ils montent sans peine sur cette frèle embarcation alors que ma jument passe ses journées à sursauter pour une branche d'arbre mort, une pierre un peu particulière, un oiseau dans un buisson et je ne sais quoi d'autre!! Ils franchiront de la même façon un autre bac, un pont flottant en bois et un en métal. Cette plaine est interminable: on voit le chemin plusieurs km devant nous, je suis bien contente d'être sur un cheval et de parcourir cette distance au petit trot; c'est une allure idéale: on sent que l'on avance et en même temps on a le temps de s'imprégner des paysages traversés. Dans ces immensités, le pas de l'homme est vraiment frustrant: on a l'impression de ne pas avancer et que l'on n'arrivera jamais au bout. Le cheval est vraiment le meilleur moyen de transport en Mongolie, en plus ils ont un petit trot très confortable.

Le samedi, vers midi, on arrive à Tsaagan Nuur après avoir longé un immense lac du même nom. Je dois aller au poste militaire faire enregistrer mon passeport et mon permis car à partir de ce village, on rentre en zone frontalière et il faut une autorisation. Cet après-midi, le temps est vraiment mauvais: une pluie glaciale et un vent froid rendent la balade moins sympa. Je suis ravie de faire halte dans une famille qui nous offre un thé au lait bien chaud et du pain. Là, Je comprends l'importance de leur tradition d'hospitalité qui veut que la yourte soit toujours ouverte à n'importe qui! Pour eux, c'est une obligation de donner à manger et à boire à toute personne qui franchit le seuil de la porte et cela s'explique par la rudesse du climat. 

Dimanche, on passe la journée dans la taïga entre les forêts de sapins parfois morts et les marécages. Le sentier est difficile et laborieux, j'admire la résistance des chevaux: il avancent courageusement dans la boue et les cailloux. Durant les deux semaines, ils ne nous feront pas défaut: ils passent partout et même dans des endroits improbables où beaucoup de chevaux français y auraient laissé un membre. En fin d'après-midi, on sort enfin de la forêt pour atteindre un col à 2400 m d'altitude et on fait route avec trois Israéliens qui se rendent au même endroit. Depuis que je suis arrivée à Hatgal, je n'ai rencontré que des touristes Israéliens. En Israël, les jeunes voyagent énormément: hommes et femmes ont deux ans d'armée obligatoire après l'équivalent du bac, puis ils bossent un peu pour économiser de l'argent et partent pour 1 an voir plus. Ils font leurs études supérieures après. Hishgee me dit que l'on n'est plus très loin du camp des Tsaatans; vivement qu'on arrive, un vent glacial souffle et je commence à fatiguer. Soudain, sortie de nulle part, telle une apparition, une femme tenant son renne sellé passe à quelques dizaines de mêtres de nous. Je suis impatiente de passer le col d'où j'espère pouvoir enfin apercevoir les teepees. Mais non, ils ne sont pas là, il faut encore franchir un autre col et en contre bas toujours rien! On entame une forte descente à pied et arrivé au fond de la vallée au détour d'un virage, enfin! les teepees sont là dans la lumière du soleil couchant. On arrive vers 20h30 au camp des Tsaatans. Une des femmes me laisse le feu de son teepee pour cuisiner; ce soir c'est soupe mongole pour tout le monde car mes pauvres collègues israéliens mangent des pâtes dégueulasses depuis 5 jours ( comme d'hab, les gars n'ont pensé à rien niveau bouffe pour leur rando!!) et sont ravis de cette soupe! A minuit, direction la tente, l'eau a gelé et ma montre annonce - 2 degrès ( on est a plus de 2000 nm d'altitude); je me dis que c'est une bonne occasion de tester mon super duvet! Au petit matin, je suis fatiguée de ma nuit: malgré toutes les couches mises entre moi et le sol, le duvet, le matelas de sol et les vêtements, j'aurais froid toute la nuit, vraiment très froid. Je suis bien décue des performances thermiques de mon matériel et je me demande comment je vais faire au Tibet et au Népal! Il aura fallu attendre que le soleil sorte de derrière les montagnes et réchauffe l'air pour trouver un peu de sommeil. Je me lève vers 9h30, la peau du visage tire, les lèvres sont gercées et je débute une conjonctivite!! Le froid et le vent sont redoutables ici! Vive les voyages! Il y a un beau soleil mais qui réchauffe peu du fait du vent glacial. Je vais voir les rennes, ces animaux sont impressionnants avec leurs immenses bois et quelle élégance! Ils sont dociles: on peut les caresser ( derrière les oreilles et sous les bois, ils adorent!), toucher leur bois qui sont chauds et couverts de longs poils soyeux. Leur pelage est très dense et extrêmement doux. Le plus surprenant pour moi est qu'ils n'ont pas d'odeur: après de longues minutes de papouilles, les mains sont propres, sèches et ne sentent rien! Il faut savoir que les Tsaatans sont une minorité éthnique (seulement 300 individus) qui vit dans les montagnes proches de la frontière russe. Ils vivent exclusivement de l'élevage des rennes qui leur servent à tout: locomotion, transport, nourriture, vêtements. Les rennes ne supportent pas du tout la chaleur: elle leur est fatale, ceci explique que les Tsaatans passent l'été très haut dans les montagnes. L'autre spécificité de cette population est de vivre dans des teepees. De plus, ils sont chamanistes ce qui provoque un regain d'intêrét pour eux aux yeux des occidentaux en quête d'ésotérisme. Le tourisme dans cette  communité est controversé: certains disent qu'on les pervertit et qu'on en fait des animaux de foire. Pour les Tsaatans, les touristes sont juste une mane financière leur permettant de passer l'hiver plus confortablement. Il est difficile de savoir ce qui est bien ou non en matière de tourisme éthnologique...le débat est sans fin! L'après midi, je fais une petite rando jusqu'à un petit sommet, histoire d'avoir un vue d'ensemble du site. Le soir, c'est repas commun dans le teepee: on est 12 à manger! Et je dormirais dans le teepee pour passer une meilleure nuit! J'ai d'ailleurs tellement bien dormi, que je me lève bien en retard par rapport à l'heure du départ! J'ai un pincement au coeur au moment de partir: je serai bien restée plus longtemps dans ce lieu si beau!

Le retour s'effectue par le même chemin, le soir on campe près d'un famille d'éleveurs. Le père a un handicap à une jambe. Il me demande de lui donner des médicaments pour soulager la douleur. Après "discution" en langage des signes, je l'aide à refaire son bandage au genou; en fait, il a une vilaine plaie, infectée, le pus suinte, le genou est complètement déformé. Je ferais de mon mieux pour nettoyer la plaie, lui refaire un bandage propre et je lui laisserai le peu que j'ai pour qu'il puisse refaire des pansements et désinfecter la plaie ainsi que quelques dolipranes. Cependant, la chose dont il aurait le plus besoin, serait des antibiotiques forte dose car l'infection va jusqu'aux os...

On refait étape au village de Renchinlkhumbe dans la même famille que l'aller.Les trois jours suivants, on prend la route des montagnes pour rentrer à Hatgal, elle se fait plus rapidement que par le lac. Hisghee fait des pauses pour aller cueillir des pommes de pins. Le soir, on les met dans le feu puis une fois refroidies, on les décortique pour manger les pignons! Ca prend bien une demi-heure mais c'est bon et ça fait passer le temps à cheval!! Le dimanche soir 14 août, on arrive à Hatgal après un petit galop final! Ces 2 semaines sont passées plutot vite finalement! Au fur et à mesure des jours, la relation avec Hisghee s'est améliorée; on n'a bien évidemment pas eu de conversation philosophique, mais on arrivait parfois à se marrer et à se raconter des choses! Il a détaillé tout mon matériel, ce qui l'a particulièrement amusé ce sont ma tasse pliable et la bassine en tissu! Cependant son objet préféré était mon opinel qu'il a voulu garder durant tout le voyage; du coup, je lui ai offert à la fin du périple. Je suis contente car maintenant je sais faire du feu, avec des allumettes, c'est vrai, mais sans rien d'autre pour initier la flamme!!

L'album photo correspondant s'appelle " lac Khövsgöl" . J'ai eu un problème avec mon appareil photo: une poussière est rentrée dans l'objectif, du coup j'ai un spot noir sur toutes les photos!! Heureusement j'ai pu le faire netoyer de retour à UB. Demain, je pars pour 10 jours dans le centre de la Mongolie, cette fois en jeep avec un couple de français.

 

Bayarta!!

Publié dans Mongolie

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N
<br /> Coucou, c'est Niklaas que tu as rencontré à Irkutsk!<br /> Ravis de voir que tu as trouvé les Tsaatan! Moi avec Dasha, nous ne les avons pas trouvés!<br /> J'ai lu avec émerveillement ton récit sur la Mongolie, faisant surgir les souvenirs, car nous sommes passés par les mêmes endroits!<br /> A très bientôt! Si tu rentres à temps, le Trekmagazine de Octobre publie mon article sur mon voyage (voyage galère) en Mongolie!<br /> <br /> Niklaas GUERRIER<br /> <br /> <br />
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Z
<br /> Merci de nous faire voyager dans un fauteuil.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Jean-Charles, le texte que tu m'a donné me suit partout et je l'ai notamment lu en haut de la montagne chez les Tsataans! Merci à toi! ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> Cet aruticle m'a beaucoup touchée! Merci. Les photos sont splendides. Bon voyage! Je pense à toi.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Merci Elodie! <br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> Chaque nouvel article est plus long et nous tient encore plus en haleine. Il faudra regrouper tous ces récits pour en faire un bouquin. tu racontes très bien.<br /> <br /> Pendant que tu traverses la steppe.. ou la taïga.., je suis tes aventures depuis New York City à Manhattan, là ou ça grouille de monde, de lumières, de cultures ethniques multiples et différentes.<br /> Le contraste est plutôt ...démesuré des deux cotés !!<br /> <br /> Bisous et profites bien<br /> Geneviève<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Faudra que tu me racontes New-York Marraine!! Profite bien de tes vacances! bisous!<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Tes articles sont fabuleux;quelle aventurière tu fais!!!!<br /> bravo et bonne continuation.PS je profites bien de ma retraite véto;je t'embrasse.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Merci pour ton petit mot Christiane!! <br /> <br /> <br /> <br />